Miasmes

Il se trouve que j’ai attrapé mon premier rhume de la saison, pas le dernier, loin s’en faut, j’en chope 6 à 12 selon les millésimes. Qu’on se comprenne bien sur le terme de « rhume » : chez moi on n’est pas sur du fast food, on est sur du 3 services. On prend son temps, on n’esquive aucune étape : ni le nez bouché qui fait ressembler à un carlin, ni celui qui coule tant ensuite qu’il t’oblige à te moucher toutes les 4 minutes (crois-moi, j’ai chronométré), ni la longue agonie de quintes de toux sur 5 jours et 5 nuits. Le rhume chez moi, c’est un voyage qui t’emmène loin et te ramène sur la rive, exsangue. Mais comme il survient environ toutes les 3 semaines, je ne peux décemment pas m’arrêter de travailler, sinon je passerais ma vie en chaussettes dans mon canapé.

Donc je continue ma vie, comme si de rien n’était, sauf les 4 paquets de mouchoirs dans chaque poche qui déforment mon pantalon et abîment mon look.

Je continue ma vie et je me rends à mon cours de danse hebdomadaire. Je préfèrerais m’enfermer dans une pièce avec Eric Zemmour plutôt que de me désaper dans un gymnase gelé pour faire des grands battements qui, de surcroît, vont me faire rentrer à une heure indécente, courbatue jusqu’aux os, mais je m’accroche et je rentre épuisée comme prévu.

Le lendemain, un rendez-vous de travail m’attend à l’autre bout de Paris. Pire que le gymnase gelé nue, il faut affronter le métro bondé sans tousser. Une gageure, crois-le bien.

Nous voilà donc arrivés à bon port, mes 8 paquets de kleenex et moi, pour écouter religieusement un ponte de mon domaine – l’associatif – sur le fait que pour travailler dans l’associatif, il faut être des warriors. Je ne suis que trop d’accord, toutefois mes éternuements m’empêchent de l’exprimer.

Je me tais donc et me concentre sur la nécessité de ne pas tousser dans cette pièce où nous sommes confinés. Les minutes passent et en dépit de mes efforts pour écouter le ponte, la quinte se pointe. Je ne peux pas tousser, ils vont me lyncher. Je retiens ma respiration et bois mon litre d’eau à petites gorgées, sans bruit, pour ne pas éveiller les soupçons. Des larmes roulent sur mes joues en même temps que mon nez coule mais je ne tousse pas. Je me demande si le ponte va bientôt s’arrêter de parler, à ce stade il pourrait détailler la recette du risotto à la truffe, je ne ferais pas la différence. Mon objectif est de rester digne et je suis en passe de l’atteindre.

Enfin il se lève et prend congé, c’est la quille. Dans une minute je suis dehors, à l’air libre. Je salue tous les gens que je connais et là, tout le monde me regarde avec une telle empathie que je comprends immédiatement que le mascara waterproof Gemey Maybelline n’a pas tenu sa promesse : j’ai une tête de panda.

Dommage, j’avais presque réussi.

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